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Nous sommes dans la province de Shanxi, la plus polluée de Chine. C’est ici que sont la plupart des exploitations charbonnières du pays. C’est ici que vivent 15 des 20 personnes les plus riches du pays, mais c’est également le pays des miniers, des gagne-misère, des accidents terribles.

Durant toute la journée d’hier nous avons circulé dans une vallée où se succèdent usine sur usine. La pollution est terrible. Le ciel est voilé, on n’aperçoit pas le soleil. Tout est noir, le charbon est présent partout. La respiration est difficile. Le trafic est très intense.  De lourds camions surchargés se frayent leur passage à fort coups de Klaxon. Ils sont tellement chargés qu’ils avancent à peine. Ceci pour notre plus grand plaisir. Souvent nous sautons dans leur sillage et profitons d’être à l’abri du vent pour rouler quelques km à du 45 – 50 km/h. Ou bien nous nous accrochons simplement aux lanières fixant les bâches et nous laissons tirer le temps d’une côte.  Des fois les camions sont trop rapides et nous suivons alors un Tuk-Tuk, un de ces drôles de camions chinois à trois roues. Ils sont moins rapides mais terriblement polluants. A ce jeu, souvent nous sommes tout noirs et crasseux le soir.

Mais les routes chinoises ne sont pas seulement un terrain de jeu.

Les routes chinoises sont dangereuses.

Très dangereuses.

Avant-hier, un camion, qui venait de nous dépasser, à brusquement viré à droite en nous coupant le passage. Charles et Nico n’ont plus pu freiner à temps et sont tombés. Il y a eu plus de peur que de mal, mais cela aurait pu mal tourner. Le problème est que les routiers chinois ne sont pas habitués de voir des cyclistes roulant à notre allure, et très souvent sous-estiment notre vitesse. Les voitures qui nous coupent la route, celles qui circulent en sens inverse, les chantiers non signalisés sont la règle ici, et non l’exception.

Mais hier c’était tout autre chose.

C’était sur une route à 4 voies, dont un côté était fermé à la circulation, mais non signalisé. Je roulais seul, lentement, attendant Nico qui était sur le point de me rattraper, quand j’entends un choc terrible. Je me retourne, et à l’endroit où il y a quelques instants encore, il y avait Nico, je vois un énorme amas de tôle. Pas un bruit. Deux camions se sont télescopés  juste derrière moi. A ce moment là je suis sur que Nico est mort, que l’incroyable s’est produit. Je retourne en vitesse en criant son nom. Il me répond, il est sauf.

L’accident s’est produit à quelques mètres de lui. Un camion l’a dépassé. Au lieu de se rabattre sur la droite, le conducteur est resté sur la file de gauche, ignorant que des camions venaient en sens inverse.  Sous l’impact du choc, la remorque d’un camion est montée en l’air, elle allait écrabouiller Nico. Mais au dernier moment elle est tombée en arrière. La cabine d’un camion a été projetée à une dizaine de mètres plus loin. Le gros moteur fumant est au milieu de la route.

Je descends en contrebas du talus vers la cabine. Un home est couché dans l’herbe ne bouge plus.  Du sang sort de se oreilles, beaucoup de sang. Un autre est coincé sous la cabine, sa jambe effroyablement broyée. Je commence à donner des premiers soins, mais je ne puis faire grand-chose. Un troisième homme est coincé dans l’autre cabine, sur la route, à moitié enterré sous du gravier.

La police met une demi-heure à arriver. Lorsqu’on nous demande de partir  un peu plus tard, il n’y a toujours pas d’ambulance sur place…