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Mercredi 21 Octobre 2009: Jour 2: Interrogatoires.

La porte s’ouvre et on pose mon repas par terre. Je n’y touche pas, me recouche.

Puis je commence à nettoyer ma cellule, à commencer par mes couvertures pleines de puces.

Je regarde autour de moi: Au mur la caméra ave le numéro 63 en dessous; ce doit être le numéro de ma cellule. Il ya aussi les graffiti aux murs:

Oh Allah!

Une autre: Qiblah (La qiblah indique la directionvers laquelle les musulmans se tournent pour faire leurs prières)

Plus loin: I believe in Syria, et d’autres encore.

Le sol est carrelé; il y a 11 carrelages sur 8, ou plus exactement 10,6 carrelages sur 7,6 (J’ai eu tout le loisir de compter, croyez moi!) Un carrelage faisant 33 cm, les joints fins 2mm, je calcule: 11 carrelages à 33 cm font 3,60 mètres; plus 12 joints à 2 mm: 2,4 cm. A déduire 0,4 carrelages, soit 13,2 cm: En tout, ma pièce fait 3,50 de long à quelques centimètres près. Maintenant la largeur: 7,6 carrelages x 33cm font 2.51 m plus 1,8 cm de joints, soit 2,52 cm de large. Superficie totale: 8,82 m2.

Le carrelage est sale, un coin sent fortement l’urine. Une semelle traine par terre. Dans un autre coin, une bouteille de Fanta à moitié pleine. Je la prends, me doutant déjà de ce que je tiens en main. Je l’ouvre, renifle: J’ai de la chance; c’est bien ce que je pensais: Maintenant j’ai ma petite toilette personnelle. Il était temps, j’avais un besoin pressant depuis quelque temps déjà. Et sans me préoccuper de la caméra, je me soulage dans la bouteille. Tout ce que j’ai ici se sont donc deux bouteilles. Une petite pour boire, vide entretemps, et une grande pour uriner.

La porte s’ouvre, un homme entre. Il s’appelle Samir et est interprète. Il commence a me demander des tas de questions d’ordre général, note les moindres détails. Ca n’en finit pas. Je dois même lui raconter en détail un voyage que j’avais fait en Syrie en 1974!

Puis entre un autre homme qui ne me salue pas. Est-ce un enquêteur ou un juge d’instruction?

Et c’est le vrai interrogatoire qui commence. Je raconte dans les moindres détails les circonstances de mon arrestation. Plusieurs fois. Samir s’étonne: C’est tout? Et on t’a arrêté pour ça? Ensuite il sort mes objets “suspects” Mon GPS, ma montre, mon Dazer. Ke dois expliquer en détail comment ils fonctionnent. Il veut savoir s’il y a  un microphone dans ma montre, une caméra. Puis, comme je m’y attendais les questions vont direction Israël. Je m’y étais préparé et j’arrive à éviter tous les pièges qu’on me pose. J’ai droit à un discours haineux sur Israël, que j’écoute docilement.

Quand Samir a fini de m’interroger il dit:

-          Mister Raymond, tu es la personne la plus honnête que j’ai rencontré dans toute ma vie! Tout ceci n’est qu’une regrettable erreur et tu seras libre d’ici une demi-heure. Je vais juste régler quelques papiers puis tu pourras partir.

La dessus, ils quittent ma cellule.

J’attends. En vain.

Quand la porte s’ouvre bien plus tard je vois tout de suite que le ton va changer. Samir crie :

-          Quand je t’ai interrogé tout à l’heure, tu m’as dit que tu avais vu des avions.

-          Non, j’ai dit que j’avais vu ce que je croyais être des avions réaction, des chasseurs !

-          Ce n’est pas vrai! Tu as parlé de simples avions! Tout le monde peut voir que ce ne sont pas des avions, mais de missiles, DES MISSILES. Moi je t’ai cru, je t’ai fait confiance. J’ai dit à mon supérieur que tu es un honnête homme. Et maintenant, en regardant tes photos, nous voyons que ce sont des missiles! Tu m’as menti! Je me suis ridiculisé devant mon supérieur, il croit que je suis un mauvais interprète.

Un moment, je suis désemparé. Il m’a eu.

Mais non! Jamais il ne va me faire gober, que c’est maintenant, le deuxième jour seulement qu’ils ont regardé les photos! Hier déjà, on les a regardés à Jablah. J’ai failli tomber dans le piège. Je me ressaisis vite.

-          Je n’ai jamais parlé de simples avions, au contraire. J’ai également dit que j’étais persuadé que c’étaient des avions militaires, pas civils. Maintenant que vous me le dites, je sais que ce sont des missiles. Moi,  je n’y connais rien à ces trucs là

-          Mes amis de Lattakia m’ont averti, qu’ils ont des témoins qui t’ont vu dormir à l’endroit où tu as pris ces photos !

J’accuse le coup. Où veut-il en venir ? Puis l’interrogatoire recommence, depuis le début. C’est les mêmes questions, seul le ton a changé.

-          Pourquoi as-tu dormi là? Etait-ce pour mieux prendre des photos?

Là-dessus j’explose, hurle à mon tour:

-          Celui qui a dit cela est un menteur! Amenez-le-moi, qu’il me le dise face à face. Ce n’est qu’un sale menteur

-          J’aimerais parler à un avocat

-          NON

-          J’aimerais appeler ma famille

-          PLUS TARD

-          J’aimerais parler à un représentant de mon pays

-          Avez-vous une ambassade à Damas?

-          Non, un consulat; j’ai le nom et numéro de téléphone dans mes affaires. Je peux vous les donner

-          Inutile, on s’en charge.

Just avant de partir, Samir rentre encore une fois la tête :

-          Es tu Juif ?

Sans attendre de réponse, il claque la porte derrière lui.

La porte s’ouvre à nouveau, un inconnu entre. Il tient quelques feuilles manuscrites dans une main, un coussin encreur dans l’autre. Sans mot dire, il prend ma main, et à nouveau je signe de mon empreinte digitale plusieurs documents dont je n’ai pas la moindre idée de ce qui est écrit.

Je m’en fous.

L’homme repart, comme il est venu. Pas un mot n’a été échangé.

Je me laisse tomber sur mes couvertures et m’endors presque aussitôt, assommé.

La porte s’ouvre, un autre homme apparait, un appareil photo dans la main. Ce n’est pas le mien. Il me demande de me placer contre le mur, la tête bien droite, puis il me photographie sous plusieurs angles, et repart. Au moment où il veut refermer la prote, je lui lance:

-          Et moi?

-          You sleep!

La porte claque.

A nouveau seul.

Quelques minutes plus tard, on tourne la clef dans ma serrure, je suis à nouveau enfermé.

Je me prépare à ma deuxième nuit en prison.