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Le 25 octobre, Sixième jour: Mensonge cruel.

 

Lorsque  je suis entré chez Nabir ce matin, son désormais habituel “Tu seras libéré aujourd’hui” est plus chaleureux que d’habitude. Je joue le jeu, et mes remerciements sont également plus chaleureux que les autres jours. Je n’en crois rien. Entretemps je suis assez fort pour cela.

Tandis que j’avale ma pilule journalière avec une tasse de thé, Samir, l’interprète entre, me voit :

-          Raymond, mon meilleur ami en Syrie ! (sic) Je suis venu pour t’emmener. Tu sors aujourd’hui !

Finalement, je ne suis pas si fort que cela. Il reste au fin fond de moi, une minuscule étincelle qui ne demande qu’à rallumer le feu de l’espoir.

-          Samir ! C’est vrai ? Tu ne mens pas ?

-          Non, mon ami ! Tu seras libéré aujourd’hui. Je vais m’assoir près de toi, et je ne sortirai pas d’ici tant que nous ne pourrons partir ensemble.

Je me bats contre les larmes, je réussis, mais je commence à le croire. Et si c’était vrai ? Ils ne pourront pas me garder indéfiniment. Je serai libre ce soir !

Samir est assis à coté de moi, m’offre une mandarine. Nous papotons. Il me raconte qu’il a lu tout mon blog sur internet, qu’il est impressionné par tout ce que j’ai déjà fait.

Façon de dire également qu’il est au courant de tout, que je n’ai plus de secrets pour lui, pour eux.

-          Pourquoi mon consul n’est pas venu me voir ?

Il hésite pendant une fraction de seconde de trop.

-          Peut-être qu’ils lui ont envoyé un fax pour dire que tu seras libéré le lendemain…

Entretemps un gardien est entré et tend à Samir un tas de documents en Anglais pour les  traduire, ce qu’il fait. Puis il se rassoit à nouveau près de moi, et après quelques minutes me dit :

-          Attends ici, je monte à l’étage pour voir si les documents de sortie sont prêts.

Il n’est pas revenu.

Une demi-heure plus tard, un gardien me raccompagne dans ma cage, ferme a clef.

Ils m’ont encore eu ! Mais cette fois-ci, ça fait vraiment mal. J’ai envie de vomir, j’ai envie de hurler ma fureur, j’ai envie de pleurer.

Non ! Je ne vais pas leur faire ce plaisir. Il y a la caméra au mur. Je me défends de pleurer tant que les portes de cette prison ne se seront pas fermées derrière mon dos.

Ceci était le plus dur jusqu’ici, mais je ne pleure pas.

-          Vous ne m’aurez pas ! Je suis plus fort que vous ! Je vais même quitter cette prison plus fort que je n’y suis entré !

Je sens que je vais tomber malade

Le froid est en moi maintenant, possède tout mon corps.

Entretemps je porte tous les vêtements que j’ai avec moi, même en journée.

Le coup-bas de Samir n’est pas fait pour arranger les choses.

Aujourd’hui, je ne marche 14 kilomètres.

Je tiendrai le coup, mais c’est dur. Vraiment dur.

On peut détruire un homme sans même le toucher.